« THIBAUT, MAIS OÙ ÉTAIS-TU ? »
Ma réponse : nos prostates défrichent l’Afrique !
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Journal de Bord
#EthnoBotanique #EthnoPharmacologie
Par Thibaut Vernier
8 novembre 2024
Chère amie, cher ami,
La semaine dernière, je suis rentré au bureau après un moment d’absence.
Et bien sûr, impossible d’échapper aux questions :
« Thibaut, mais où étais-tu ? »
« Oh tiens, ça faisait longtemps ! »
Ma réponse : J’étais de retour sur les bancs de l’université ! 🤠
Plus précisément, pour un diplôme universitaire en EthnoBotanique appliquée.
Quelques mois auparavant, j’ai suivi une formation similaire en EthnoMédecines et en EthnoPharmacologie.
Bon, si je devais vous résumer de quoi il s’agit,
Je vous dirais qu’il est question d’étudier l’histoire culturelle et les bienfaits pour la santé des plantes médicinales (ou des matières d’origine animale et minérale).
(J’ai vraiment simplifié, je l’avoue !).
Les pharmaciens et médecins en ethnopharmacologie d’un côté, et les ethnologues et anthropologues en ethnobotanique de l’autre !
Chacun voudra me jeter en pâture pour cette définition qui a osé tenter de réconcilier l’eau et le feu !
Mais épargnons-nous ce duel académique pour parler des vrais problèmes !
L’un des sujets les plus préoccupants abordés durant cette formation…
Le prunier d’Afrique menacé d’extinction par l’industrie pharmaceutique !
Ce n’est pas dans leur intérêt de vous le dire,
Mais le pillage organisé par l’industrie pharmaceutique menace d’extinction de nombreuses espèces de plantes et arbres médicinaux.
Prenez l’exemple du Prunier d’Afrique (Prunus africana (Hook.f.) ou Pygeum africanum) indiqué dans le traitement de l’hypertrophie bénigne de la prostate (HBP).
Tout commence en 1966 lorsque les Laboratoires Debat déposent un brevet de médicament pour traiter l’hypertrophie bénigne de la prostate dont le principe actif est l’extrait d’écorce de Prunus africana.
Le Tadenan® est naît, il commence par inonder le marché français, puis le marché mondial en quelques années.
Nerf de la guerre oblige, il faut maintenant s’approprier la ressource…
Plantecam Medicam, une filiale des Laboratoires Debat, obtient le monopole de l’exploitation commerciale et du commerce de l’écorce et de l’extrait jusqu’en 1986 !
Très vite, la demande mondiale atteint 3 300 tonnes par an !
Ce qui correspond à l’exploitation de 60.000 à 70.000 arbres chaque année…
Le tout pour un marché international très lucratif d’une valeur d’environ 220 millions de dollars américains à la fin des années 1990.
Nos prostates défrichent l’Afrique !
Les principaux pays exportateurs de son écorce sont situés en Afrique équatoriale : le Cameroun, Madagascar, le Zaïre et le Kenya…
Des forêts entières sont dévastées par l’exploitation des pruniers d’Afrique.
Les arbres sont mortellement écorchés à la serpe, voire abattus à la hache.
Dans la forêt de Kakamega au Kenya, 68 % des arbres exploités étaient morts ou souffraient de dépérissement.
La principale astuce est de mélanger des écorces braconnées à des écorces présentant quelques garanties de légalité.
En 1993, un rapport de l’UNESCO tire la sonnette d’alarme en garde :
« Malgré les assurances données par les deux principales entreprises impliquées dans la récolte et la transformation de l’écorce de Prunus africana , les communautés rurales, les guérisseurs traditionnels et les ministères d’Afrique de l’Est et d’Afrique centrale ont exprimé de vives inquiétudes quant à la durabilité de ce commerce international. »
Inscrit en 1995 comme espèce menacée d’extinction
Dès le 16 février 1995, Prunus africana est inscrit à l’Annexe II de la CITES .
(La Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction).
Mais il aura fallu attendre 2022 pour que le laboratoire Viatris décide d’arrêter la commercialisation du Tadenan® !
La raison invoquée est une impossibilité à prélever des écorces de prunier d’Afrique dans le respect des normes environnementales et sociétales.
À partir de cette date, plus aucun médicament à base de Prunus africana n’est commercialisé en France.
Encore commercialisé en 2024 sous forme de complément alimentaire !?
Sauf… du côté de l’industrie des compléments alimentaires !
Qui continue de le proposer dans ses formules contre les problèmes de prostate.
Personnellement, je ne comprends pas que sa commercialisation sous forme de complément alimentaire soit encore autorisée.
Cela pose de graves questions éthiques.
L’histoire du Prunus Africana nous met en garde contre l’exploitation effrénée des plantes médicinales pour satisfaire les marchés occidentaux.
Car d’autres plantes et arbres comme le Nard de l’Himalaya (Nardostachys grandiflora), le Santal rouge (presque toutes espèces confondues), le Cordyceps (Cordyceps sinensis), le ginseng américain (Panax quinquefolius) et le Panax ginseng pour ne citer qu’eux…
Pendant que nous dépouillons des écosystèmes entiers à l’autre bout du monde, nous négligeons des remèdes plus durables qui ne défrichent pas des forêts comme c’est le cas pour le Prunier d’Afrique…
On ne peut plus ignorer l’éthique en matière de médecine par les plantes !
Je pense par exemple à la racine d’Ortie (Urtica dioica) !
La Commission européenne et l’OMS reconnaissent l’usage de la racine d’ortie pour soulager les difficultés de miction reliées à hypertrophie bénigne de la prostate légère ou modérée.
On pourra utiliser un extrait de poudre de racine d’ortie (600 mg par jour en moyenne) pendant 8 semaines.
Ou encore à graines de courge de la citrouille (Cucurbita pepo L.) que l’on pourra utiliser en association avec la racine d’Ortie !
Idéalement, il faut en consommer l’équivalent de 10 g par jour sous forme alimentaire.
Si l’on n’arrive pas à consommer ces graines de façon régulière, il est préférable de l’utiliser sous forme d’huile.
Les autorités européennes ont d’ailleurs reconnu l’allégation: « contribue au bon fonctionnement de la prostate et participe au bon fonctionnement urinaire » pour l’huile issue de la variété Cucurbita pepo L..
Bref vous l’avez compris, il n’est plus possible de renier l’éthique quand il est question de médecine par les plantes.
Portez-vous bien,
Thibaut Vernier
Rédacteur de la lettre des Médecines Sacrées
P.S. Votre avis compte énormément pour moi ! Avez-vous trouvé cet article enrichissant ? Partagez vos impressions en commentaire en bas de cette page.
Sources :
[1] https://www.vidal.fr/actualites/29488-hbp-arret-de-commercialisation-de-tadenan-en-juillet-2022.html
[2] Débat J. Br. App., 25.893/66, 10 juin 1966
[3] Bodeker, G., van ‘t Klooster, C., & Weisbord, E. (2014). Prunus africana (Hook.f.) Kalkman: the overexploitation of a medicinal plant species and its legal context. Journal of alternative and complementary medicine (New York, N.Y.), 20(11), 810–822.
[4] Bodeker, G., van ‘t Klooster, C., & Weisbord, E. (2014). Prunus africana (Hook.f.) Kalkman: the overexploitation of a medicinal plant species and its legal context. Journal of alternative and complementary medicine (New York, N.Y.), 20(11), 810–822.
[5] Cunningham M, Cunningham AB, Schippmann U. Trade in Prunus africana and the implementation of CITES. Bonn, Germany: German Federal Agency for Nature Conservation, 1997
[6] Fashing PJ. Mortality trends in the African Cherry Prunus africana and the implications for colobus monkeys Colobus guereza in Kakamega Forest, Kenya. Biol Conserv 2004;120:449–459
[7] Bodeker, G., van ‘t Klooster, C., & Weisbord, E. (2014). Prunus africana (Hook.f.) Kalkman: the overexploitation of a medicinal plant species and its legal context. Journal of alternative and complementary medicine (New York, N.Y.), 20(11), 810–822.
[8] https://cites.org/fra/prog/african_cherry.php
[9] https://cites.application.developpement-durable.gouv.fr/viewtaxon.do?id=8831
[10] https://www.vidal.fr/actualites/29488-hbp-arret-de-commercialisation-de-tadenan-en-juillet-2022.html
[11] https://www.ema.europa.eu/en/documents/herbal-monograph/final-european-union-herbal-monograph-prunus-africana-hook-f-kalkm-cortex_en.pdf
[12] Ghorbanibirgani A, Khalili A, Zamani L. The efficacy of stinging nettle (urtica dioica) in patients with benign prostatic hyperplasia: a randomized double-blind study in 100 patients. Iran Red Crescent Med J. 2013 Jan;15(1):9-10
Crédits :
SAplants, CC BY-SA 4.0 https://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0, via Wikimedia Commons
Prunus africana harvest. Source: Getty Images. Photographer: T. Imo (Phototek).
Bravo pour cette newsletter !
Hello Cécile 🙂
Merci pour ton message !
La newsletter de ce vendredi sera sur la baie de Schisandra.
Bien à toi,
Thibaut
très intéressant, j’ai 60 ans….et je prends depuis peu du prozazinc .
Bonjour,
Je suis totalement en accord avec l’avis que vous avez si bien formulé, et je ne puis qu’aller dans ce sens. Voici donc l’inspiration suscité par la lecture de votre article:
Il est vrai que nous allons chercher bien loin des végétaux dont nous avons l’équivalent des propriétés chez nous, sous nos latitudes. Les laboratoires savent notre sensibilité à l’exotisme et jouent là dessus pour vendre cher et à outrance ces végétaux dont le prélèvement dévaste notre planète, montrant leur peu de respect du vivant, et de la vie en général.
NOTE: la Nature ayant sa « Soi-Conscience », cette forme d’intelligence, est adapté aux besoins de nos organismes, puisque nous sommes le sommet des quatre composants de cette pyramide évolutive des règnes de la Nature : minéral, végétal, animal, humain…, dernier stade de transformation et d’évolution de notre conscience individualisée avant de réintégrer la Conscience Universelle dont notre essence est issue pour devenir avec elle co-créateurs de notre monde sur notre planète dont nous sommes seulement les gestionnaires, non les exploitants (avec tous les chocs en retour que cela produit (climat, mouvements de terrains, effondrements, etc…).
A mon humble avis éthique, il est bon d’encourager toutes les personnes ayant un jardin, une terrasse, ou un balcon, à cultiver leurs propres plantes médicinales. Cela représenterait deux avantages: principaux et d’autres secondaires par extension:
1°) Cette démarche permettrait au plus grand nombre de s’informer sur les propriétés des plantes poussant localement dans leur région.
2°) Cela permettrait en même temps de préserver un patrimoine à la fois fragile et précieux, patrimoine à préserver et à transmettre aux générations à venir.
Pour cela, Il y a une troisième mesure consistant encourager le règne humain à s’autonomiser en matière de production locale, car tout ce qui obéit à la loi du marché est essentiellement mercantile et autodestructeur de notre cadre de vie, de nos écosystèmes dont nous dépendons, et par extension, de notre planète toute entière (auto destruction en forte accélération depuis quelques décennies).
La question à se poser: désirons nous contribuer encore à cette auto destruction? ou désirons nous fournir un effort pour nous prendre en main pour devenir plus autonome quand à notre santé? comme l’étaient nos anciens qui avaient tous un minimum de connaissances quand à l’usage des simples et des minéraux pour rétablir leurs problèmes courant de santé.
3°) Ces mesures permettraient également de favoriser les échanges : de plantes, de minéraux, de connaissances, de savoirs faire pratiques, etc..etc… et en finalité de préserver notre patrimoine culturel.
4°) Par extension, toutes les connaissances pratiques de bases devraient être introduites dans le cadre éducatif dès le plus jeune âge pour que les réflexes et les bonnes habitudes soient prises et naturellement transmises comme cela était le cas durant des millénaires.
En conclusion: cultiver nous-mêmes nos végétaux est une preuve d’Amour et d’attention que nous portons au Règne Végétal en lui manifestant notre désir de le protéger, le préserver et le faire croitre. La Nature est intelligente et devient alors à nouveau abondante. Personnellement je puis témoigner que plusieurs plantes se sont invitées naturellement dans notre jardin sans que nous ayons à les planter; ils trouve que ces plantes apparu spontanément, correspondent exactement à des besoins précis de notre corps et de notre santé du moment. Disons pour conclure vraiment qu’il est grand temps de retrouver cette magie en rétablissant notre lien sensible avec Mère-Nature.
Bonjour Serge,
Oui, je suis bien en accord avec votre propos.
Le tout est de développer une nouvelle médecine par les plantes qui soit éthique !
Bien à vous,
Thibaut Vernier
Bonjour,
Pardon de vous contredire mais le Kenya et Madagascar ne sont pas en Afrique équatoriale.
Je trouve ça désagréable qu’on dise n’importe quoi sur les autres pays.
Bonne continuation
Suzanne
L’être humain est malheureusement ainsi fait. Il pille impunément tout ce dont il a besoin pour de l’argent, sans réfléchir aux conséquences. Heureusement qu’il existe encore ce que l’on pourrait appeler la résistance. Ces quelques milliers de personnes qui se battent pour faire changer les choses. Mais c’est difficile quand les “grands” de ce monde ne jouent pas le jeu. En tout cas bravo
Bonjour Claudine,
Un grand merci pour vos encouragements 🙂
Bien à vous,
Thibaut Vernier
Enfin ! du bon sens ?
Peut-on espérer la fin de l’exploitation barbare des ressources de la planète ?
qui mène ces vandales à leur propre extinction !
Mais qui sera alors là pour s’en frotter les mains ?
intéressant inédit original
Merci. Vous avez un profil bien particulier qui réussit à nous intéresser à ce qui vous passionne : l’ethnomédecine.
Merci pour le partage de vos connaissances, vos retours de congrès ou études … C’est passionnant, ne changez pas !
Bonsoir Claire !
Merci beaucoup, votre message me va droit au cœur 🙂
Bien à vous,
Thibaut Vernier
Vous avez raison sur la déforestation sur la planète Il faut responsabilisé les hommes qui peuvent se sortir des désagréments urinaires en se basant sur des alternatives existantes comme l’équilibre en alimentation le sport et l’analyse objective des publicités Merci de votre collaboration
Pour être bref, le fric tue tout et ceux qui agissent de façon criminelle de sont pas inquiétés.
Qui réagit ? Qui pourrait réagir et/ou pourrait organiser la réaction? Qui se tait et laisse faire?